La reprise…

236 jours ! Voilà le temps qui a séparé la dernière spéciale du Rallye Monte-Carlo et la première de la Turquie !

Depuis mes débuts, il y a 25 ans, je n’avais jamais passé plus d’une semaine complète à la maison. Là, avec le confinement, on a explosé tous les records. Dans une vie à cent à l’heure, on ne prend le temps de rien. Cela m’a clairement conforté dans la voie prise ces dernières années en voulant partir moins longtemps de la maison et de construire mes programmes autour de ce besoin.

Cependant, je vous rassure, j’étais impatient qu’Andrea (Adamo) m’appelle ! Je me suis tenu prêt physiquement et avec une motivation totalement intacte. Quand Hyundai Motorsport m’a parlé de la Turquie, j’étais content. Certes, je n’avais aucune expérience sur ce rallye, dans cette région et j’avais tout à y découvrir contrairement à mes adversaires, le parcours étant identique aux deux précédentes éditions. Mais je savais que sur la terre, avec la i20 WRC Coupe, j’avais toujours été à l’aise et assez performant, que ce soit au Chili et en Espagne l’an dernier.

Comme à ce jour nous ne connaissons pas notre programme jusqu’à la fin de l’année ou encore même pour la suite, j’avais vraiment envie de profiter pleinement de cette course. Et nous le savons tous, il n’y a qu’une solution pour s’éclater dans la voiture : être dans le coup ! Pour la première fois, j’ai pas mal travaillé les vidéos des années passées grâce à WRC+. Je n’ai jamais autant regardé de vidéos embarquées des autres pilotes de ma vie ! Je ne savais pas si ça allait être efficace mais je voulais mettre toutes les chances de mon côté.

La première satisfaction, outre le fait d’avoir été testé négatif au Covid-19 en arrivant sur place, était mon retour après les reconnaissances. La prise de notes à la vidéo semblait porter ses fruits. Pour une première, nous étions satisfaits.

Par contre que dire des spéciales ? Elles sont magnifiques, il n’y a pas de doutes là dessus, mais tellement exigeantes. Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu un terrain aussi cassant. A tel point qu’au premier passage du shakedown, j’ai conduit comme à mon habitude, en essayant d’être propre, le plus en ligne possible. En fait, avec ces « monstres » que sont les WRC actuelles, il ne faut pas se poser de questions : il faut être très agressif dans le pilotage pour faire des temps. A partir de ce moment, j’ai  vraiment changé ma façon de piloter.

Dans le match…

Et visiblement cela a vite payé ! Nous savions tous que les deux spéciales du vendredi soir allaient être cruciales pour la suite du week-end. En cas de mauvais départ, on aurait eu une mauvaise position sur la route le lendemain. Avec Danos, on voulait vraiment partir fort. Mais, je savais qu’ils avaient tous la même idée que nous ! Alors oui, quand on rentre en tête le premier jour, après neuf mois de pause (et onze mois sur la terre) et en passant pour la première fois dans les spéciales, je n’y crois pas trop. Mais qu’est ce que ça fait du bien ! Après une fin d’Espagne et un Monte-Carlo un peu difficile, on arrive forcément à douter un peu de notre niveau. Surtout face à une telle concurrence aussi bien affutée. Le vendredi soir à l’assistance, je me dis rapidement que le week-end va être passionnant et avec Danos, on redouble encore de motivation, comme des petits jeunes qui débutent leur carrière !

Le lendemain matin, on passe de leader à quatrième suite à un mauvais choix de pneus. Je manque clairement de roulage et d’expérience avec la voiture et ces pneus et nous nous sommes trompés avec l’équipe. Puis lors de la deuxième boucle, on repart avec Daniel tels des morts de faim. On signe de très bons temps au plus fort de la bagarre et même un scratch dans l’ES8. On repasse deuxième ex-aequo avec Seb Ogier.

Tout est de nouveau possible. Le lendemain, le juge de paix du rallye nous attend avec ses 38 kilomètres, à faire deux fois. On savait que nous pourrions tous gagner ou perdre le rallye en une fraction de seconde dans cette spéciale. Et c’est ce qui s’est passé avec une véritable hécatombe. Et malheureusement, nous n’y avons pas échappé en crevant à 10 kilomètres de l’arrivée alors qu’on venait de prendre virtuellement la tête du rallye. On perd une minute et vingt secondes et on repasse en quatrième position !

Nous étions pas mal déçus avec Danos car nous savions que nous venions peut-être de passer à côté d’une 80e victoire en WRC. Mais c’était une telle loterie que l’on n’y pouvait pas grand chose…

Le podium…

Dans la dernière boucle, on a voulu assurer et éviter toute nouvelle crevaison et on accroche le podium. Un résultat synonyme de gros points pour l’équipe au championnat constructeurs. C’était notre première mission et elle était rempli. Jouer devant, se battre pour la victoire et signer sept temps dans le top 3 en douze spéciales étaient du bonus. Notre bonus !

De leur côté, Thierry et Nicolas ont réalisé eux aussi une superbe course, même si une crevaison les a privés d’une victoire, et pour Hyundai Motorsport, c’est top. La voiture s’est montrée fiable mais aussi performante avec huit meilleurs temps.

Notre deuxième objectif était de prendre un maximum de plaisir ce week-end et profiter un maximum de ces moments. Et ce fut le cas sur tous les plans. Il ne manquait que les fans pour pouvoir partager cela avec eux mais la situation actuelle ne le permet pas et le promoteur et la FIA gèrent bien la situation pour la sécurité de tous.

Maintenant, en ce qui concerne mon avenir, qui a été la question dans la bouche de tous les journalistes ce week-end, je ne sais pas quoi répondre en toute honnêteté. Déjà, personne n’a aucune idée de la fin du calendrier où des courses vont peut-être s’ajouter et d’autres s’annuler. Et puis à ce jour, je suis en contrat avec Hyundai jusqu’à la fin de la saison. Donc s’ils m’appellent, je répondrai présent bien sûr. J’aime travailler avec cette équipe et j’aime l’approche et l’état d’esprit que peut avoir Andrea. Je suis conscient de l’opportunité qu’ils m’ont offert ces deux dernières années avec ce programme partiel et s’ils ont besoin de nous pour aller chercher un deuxième titre constructeur en fin de saison.

Pour le reste, j’ai des projets, qui ne sont plus un secret pour personne : gagner le Dakar et continuer de faire ce qui m’a toujours animé : piloter et partager ma passion avec ceux que j’aime et avec vous. Il y a donc des chances que vous entendiez encore parler de moi !

Seb. »